Depuis sa création en 1998, le grand séminaire Saint Jean-Marie Vianney se retrouve tous les ans confronté au même problème: un cruel manque de prêtres et donc de formateurs pour les jeunes étudiants qui doivent souvent se contenter de sessions assurées par différents intervenants, de façon très aléatoire et irrégulière.

Rapporté par l’agence Ucanews le 3 juillet dernier, le témoignage de l’un de ces enseignants, (1), un prêtre d’origine vietnamienne, venu de la Thaïlande toute proche, illustre bien cette difficulté qui forme le quotidien des séminaristes laotiens. Invité à venir donner trois semaines de cours intensifs sur le thème de l’homélie, le P.Anthony Leduc a raconté à son retour combien les séminaristes « étaient avides d’apprendre » et tentaient de surmonter les obstacles dus à la langue (l’enseignement est donné en thaï, alors que leur langue maternelle est le laotien), sans presque aucun des « outils nécessaires pour se former à la prêtrise, comme des ouvrages de commentaires sur la Bible, ou des cours de théologie ou de philosophie en ligne».

Situé à Thakekh, dans le vicariat de Savannakhet, l’institut Saint Jean-Marie Vianney est l’unique séminaire du Laos. C’est dans cette région que se concentre la majeure partie de la petite communauté catholique (un peu plus d’1 % de la population du Laos, bouddhiste dans son écrasante majorité), formée essentiellement de Vietnamiens et d’autres ethnies minoritaires.

Lors du lancement du grand séminaire, il avait été décidé que chacun des quatre vicariats du Laos fournirait des prêtres enseignants qui assureraient par roulement, la continuité des cours à Saint Jean-Marie Vianney. Mais, écrasés par leurs tâches pastorales, les formateurs pressentis avaient rapidement signifié leur impossibilité de participer au fonctionnement du séminaire tout en assumant leur charge au sein de leur diocèse où ils cumulaient déjà les fonctions. Pour tout le Laos, la communauté catholique ne disposait que d’une petite quinzaine de prêtres et de quatre évêques dont Mgr Toto Banchong unique prêtre et administrateur de son vicariat de Luang Prabang.

Quinze ans plus tard, la situation n’a que très peu changé. Le clergé, qui s’est progressivement étoffé, ne dépasse toutefois pas la vingtaine, un nombre toujours insuffisant pour permettre aux prêtres de délaisser leurs charges pour enseigner à Saint Jean-Marie Vianney.

« Je n’ai pas été invité [ à donner des cours] parce que je suis un expert dans l’art de préparer des homélies -, mais avant parce que le grand séminaire du Laos est depuis plusieurs années, en grand manque de professeurs pour ses formations », explique ainsi avec lucidité, le P. Anthony, au retour de sa session à Thakekh.

Né au Vietnam, le prêtre missionnaire a grandi et suivi ses études aux Etats Unis où sa famille est venue se réfugier après la chute de Saïgon. Aujourd’hui membre de la Société du Verbe Divin (SVD), il a été envoyé par sa congrégation à Nong Bua Lamphu, au nord-est de la Thailande, où depuis cinq ans il est curé de la paroisse de l’archange Saint Michel.

C’est son implantation dans cette région particulière de la Thaïlande qui a permis au P. Antony de donner des cours aux étudiants du grand séminaire: « Les Laotiens qui baignent continuellement dans la culture thaïe par la télévision et les autres médias, comprennent cette langue et peuvent la lire (…) Heureusement, le laotien a de grandes similitudes avec le thaï, et en particulier avec le dialecte du nord-est de la Thaïlande où je sers en tant que curé de paroisse », explique le jeune prêtre vietnamien.

Une grande partie de la session du P. Anthony était consacrée aux exercices pratiques: les étudiants devaient notamment rédiger trois homélies (deux pour le dimanche et une pour un jour de semaine) qu’ils devaient lire ensuite lors d’une célébration eucharistique ou devant leurs condisciples.

Les sermons étaient enregistrés pour pouvoir ensuite être commentés et retravaillés en classe. « Bien sûr, les homélies étaient en laotien, rapporte encore le P. Anthony, « mais avec le dialecte thaïlandais que j’avais appris à Nong Bua Lamphu, et l’aide des autres étudiants qui m’éclairaient souvent sur tel ou tel usage d’un terme ou sur son contexte culturel, j’avais les éléments suffisants pour confirmer la première impression que j’avais eu de l’homélie ».

Le dernier jour de la session, le formateur et ses étudiants se sont rendus dans un magnifique temple bouddhique au bord du Mékong afin de se recueillir et de méditer sur l’enseignement qu’ils avaient reçu. « Les séminaristes m’ont dit qu’ils avaient encore plus reçu de ces cours qu’ils n’en attendaient », se réjouit le prêtre missionnaire qui avoue avoir lui-même « beaucoup appris de ses étudiants et s’être ‘enrichi’ à leur contact ».

Le missionnaire avait été particulièrement impressionné par la volonté des séminaristes « qui faisaient leur maximum » pour réaliser le programme qui leur était demandé, « malgré le fait qu’aucun d’eux n’avait à sa disposition dans sa langue, ni ouvrages d’exégèse, ni même d’aide aux homélies disponibles en ligne, comme cela est le cas un peu partout dans le mondes ».

A l’heure actuelle, le grand séminaire de Thakekh compte environ une vingtaine de jeunes en formation laquel comprend un cycle de 7 ans (3 ans de philosophie et quatre années de théologie).

(1) Ce témoignage est tiré du bulletin de la Société missionnaire du Verbe divin (SVD), en date du 25 juin 2013.

Légende photo: Le P. Anthony Le Duc venu former les séminaristes du grand séminaire de Thakekh

(Source: Eglises d'Asie, 4 juillet 2013)