Certaines évolutions matérielles peuvent paraître peu importantes. Parfois, elles peuvent pourtant être le signe d’un changement profond dans les rapports du pouvoir de la société civile. Ne faut-il pas, en effet, reconnaître un de ces signaux révélateurs dans une récente consigne donnée par le président du Comité populaire de Hanoi, Nguyên Đuc Chung, un général de la Sécurité publique nommé à ce poste après le 12e Congrès du début de l’année dernière ?

Selon le quotidien en ligne « VN express » du 12 et 13 janvier 2017, le responsable principal de la municipalité de Hanoi a déclaré que les « haut-parleurs » accrochés dans les rues des villes et des bourgades ont achevé leur « mission historique … ».

Le ton est solennel et suggère qu’il s’agit là d’un changement historique. Il convient, a déclaré le général Chung, de s’interroger pour savoir s’ils sont encore utiles et s’il ne faut pas les abandonner en cas de réponse négative… Radio free Asia (1) insiste sur la liaison profonde de ce système de haut-parleurs avec la nature du régime communiste. Le média radiophonique fait aussi remarquer que durant toute la période précédente, les haut-parleurs sont restés la propriété exclusive du pouvoir, destinés à propager et faire connaître, unilatéralement, les lignes politiques de l’État. Commentant la récente déclaration du président du comité populaire, un blogueur a fait remarquer que les amplificateurs ne peuvent qu’émettre et non pas écouter. Ils restent inaptes à saisir ce que pensent les gens et ignorent leurs réactions, qu’elles soient positives ou négatives. Et, en cela, ils ressemblent au pouvoir politique qui les utilise.

En réalité, seules quelques personnes âgées ou infirmes éprouvaient encore le besoin d’écouter ces informations diffusées par les autorités locales ; la grande majorité les subissait comme un bruit dérangeant venant troubler leur vie individuelle.

En effet, jusqu’à aujourd’hui, les haut-parleurs ont fait partie intégrante de la vie quotidienne des citadins. Tous les jours, les habitants étaient éveillés au petit matin par leur musique grinçante depuis des décennies. Venaient ensuite des informations toujours optimistes même si la population est par ailleurs parfaitement au courant de l’actualité. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour remettre en question l’utilité de ce système destiné à diffuser les consignes et les informations du pouvoir ? On peut penser que son obsolescence a coïncidé avec l’accès universel de l’ensemble du public aux actualités fournies par les moyens audiovisuels actuels, qui ont rendu plus que désuet l’appareil de propagande communiste. La déclaration du général Chung est en quelque sorte une reconnaissance d’échec. Les autorités n’ont pas pu ignorer l’impuissance des haut-parleurs devant leurs concurrents actuels, à savoir les blogs, les réseaux sociaux, tels Facebook, Twitter ou encore YouTube.

La vraie question posée par la nouvelle mesure est de savoir quelles seront les véritables successeurs de l’antique système de propagande du régime. (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 17 janvier 2017)